Le bras de fer Powell Trump
Alors que les marchés actions s'effondrent – en baisse de 13% depuis février – le marché obligataire américain affiche une certaine vigueur, avec des rendements en baisse.
Les marchés financiers envoient des signaux contradictoires mais révélateurs face aux politiques tarifaires de l'administration Trump.
Alors que les marchés actions s'effondrent – en baisse de 13% depuis février – le marché obligataire américain affiche une certaine vigueur, avec des rendements en baisse.
On décrypte ce que cela implique, dans votre allongé du jour.

🤔 Un paradoxe révélateur
Cette divergence entre actions et obligations constitue un phénomène économique intrigant. Les obligations américaines se renforcent alors même que les prévisions d'inflation sont revues à la hausse et que la trajectoire de la dette fédérale devient de plus en plus préoccupante – deux facteurs qui devraient normalement inquiéter les marchés obligataires.
Ce paradoxe s'explique par la conviction des investisseurs obligataires que les tarifs douaniers vont suffisamment affaiblir l'économie pour forcer la Réserve fédérale à réduire ses taux d'intérêt. Le marché a ainsi intégré près de trois baisses de taux supplémentaires depuis février.
🐌 La Fed moins pressée que le marché
Pourtant, Jerome Powell, président de la Réserve fédérale, a clairement signalé que la banque centrale n'était "pas pressée" de réagir aux tarifs douaniers ou aux turbulences des marchés financiers. Lors d'une conférence en Virginie, Powell a souligné que la Fed attendra d'avoir davantage de clarté sur ces politiques avant d'ajuster sa position.
"Notre obligation est de maintenir les anticipations d'inflation à long terme bien ancrées et de s'assurer qu'une augmentation ponctuelle du niveau des prix ne devienne pas un problème d'inflation persistant" a déclaré Powell, suggérant que la lutte contre l'inflation restera prioritaire face au ralentissement économique.
Cette position contraste avec les attentes du marché obligataire et pourrait présager une confrontation avec l'administration Trump, qui appelle ouvertement à des baisses de taux.
Donald Trump a récemment déclaré sur Truth Social qu'il était "PARFAIT" pour Powell de réduire les taux d'intérêt, accusant ce dernier d'être "toujours en retard".
❌ Des indicateurs préoccupants
Les indicateurs économiques avancés "ont chuté drastiquement", selon Nangle. Les enquêtes sur la confiance des consommateurs et les indices des directeurs d'achat manufacturiers reflètent une incertitude concernant les perspectives économiques, bien que Powell ait noté que ces tendances ne se sont pas encore matérialisées dans les données économiques "dures".
JPMorgan a récemment augmenté sa prévision de risque de récession mondiale pour 2025, la faisant passer de 40% à 60% si les hausses de tarifs douaniers sont maintenues, dans une note sans équivoque intitulée "There will be blood" (Il y aura du sang).
🇺🇸 L'exception américaine des obligations
Cette situation est d'autant plus remarquable qu'elle représente une exception américaine. Les rendements des obligations d'État britanniques, françaises et allemandes ont augmenté durant la même période, contrastant avec la performance des bons du Trésor américain.
Il faut souligner ici que l'Europe, et spécifiquement l'Allemagne, s'endette massivement pour reconstituer sa défense.
De plus, des rumeurs d'un possible "Accord de Mar-a-Lago" impliquant un échange d'obligations du Trésor avec les alliés des États-Unis circulent sur les marchés.
💵 Le "privilège exorbitant" du dollar
La position dominante du dollar dans le commerce mondial continue d'assurer aux bons du Trésor une place privilégiée dans le système financier international.
Les investisseurs ne peuvent imaginer que l'administration Trump menacerait le statut de monnaie de réserve du dollar, car perdre ce "privilège exorbitant" serait catastrophique pour l'ensemble du système financier mondial.
C'est pourquoi, ironiquement, les investisseurs cherchant à se protéger des dommages causés par les tarifs douaniers américains trouvent refuge dans les obligations de ce même gouvernement.
⚖️ Un dilemme pour la Fed
Julia Coronado, fondatrice de MacroPolicy Perspectives, résume le dilemme auquel fait face la Fed : "La Fed n'est pas en position d'offrir le type d'assurance à l'économie qu'elle a fourni lors de la guerre commerciale de 2018-2019, car l'inflation est trop élevée et dépasse leur objectif."
Elle ajoute que même si la Fed conclut qu'elle doit réduire les taux, elle le fera "plus tard et plus lentement qu'elle ne le ferait autrement, car nous serons au milieu d'une impulsion inflationniste."
Le message des marchés obligataires semble clair : l'administration Trump s'engage dans un "acte d'automutilation économique" selon les termes de Nangle. Si cette prévision se matérialise, la promesse faite par Scott Bessent, secrétaire au Trésor, que "sous cette administration, c'est au tour de Main Street" de prospérer pourrait être compromise.
Pour l'instant, les investisseurs obligataires maintiennent leur pari sur un ralentissement économique important, tout en surveillant attentivement les signaux de la Fed qui semble déterminée à ne pas céder prématurément aux pressions du marché ou de la Maison Blanche.
