Les stablecoins, enjeu géopolitique majeur
L'émetteur du deuxième stablecoin mondial vise 896 millions de dollars lors de son entrée en Bourse. Une IPO qui révèle les enjeux géopolitiques colossaux de ces "dollars numériques".
L'émetteur du deuxième stablecoin mondial vise 896 millions de dollars lors de son entrée en Bourse.
Une IPO qui révèle les enjeux géopolitiques colossaux de ces "dollars numériques".
Mercredi 4 juin 2025 restera une date historique pour l'écosystème crypto.
Circle Internet Group fait ses grands débuts sur le New York Stock Exchange sous le symbole CRCL.
La société a carrément explosé ses objectifs initiaux : exit les 24 millions d'actions à 24-26 dollars prévues au départ, place à 32 millions de titres valorisés entre 27 et 28 dollars.
Résultat ?
Une levée qui pourrait atteindre 896 millions de dollars et une valorisation totale frôlant les 7,2 milliards.
On vous explique les implications économiques et géopolitiques de l'expansion des stablecoins, dans votre allongé du jour.

🍀 Un succès qui ne doit rien au hasard
Cette surenchère n'est pas le fruit du hasard.
Les ordres affluent en "multiples double digit" selon les sources proches du dossier - comprenez que la demande dépasse largement l'offre disponible.
ARK Investment Management, la société de Cathie Wood, lorgne un ticket de 150 millions de dollars.
BlackRock, le géant de la gestion d'actifs, planifie d'acquérir environ 10% des actions proposées.
Quand les mastodontes de Wall Street se positionnent ainsi, c'est que l'affaire sent bon.
Mais Circle, c'est quoi exactement ?
L'entreprise fondée en 2013 par Jeremy Allaire émet l'USDC, un stablecoin - ces cryptomonnaies "stables" indexées sur le dollar américain.

Contrairement au Bitcoin dont le cours fluctue, un USDC vaut toujours un dollar.
La recette ?
Pour chaque jeton émis, Circle place la quasi-totalité des fonds reçus dans des titres de dette américaine, principalement des Treasury Bills.
🦖 David face à Goliath, mais David grandit vite
Avec 60 milliards de dollars de jetons en circulation, Circle reste le challenger face au mastodonte Tether et son USDT qui dépasse les 144 milliards.
Mais attention, ce "petit" deuxième cartonne niveau business : 1,66 milliard de dollars de revenus en 2024 (contre 1,4 milliard en 2023) grâce aux intérêts générés par ses réserves placées notamment dans un fonds monétaire géré par... BlackRock !
L'équation est redoutablement efficace : Circle collecte des fonds via l'émission de stablecoins, les place dans des instruments rémunérés, et empoche la différence.
Avec seulement une centaine d'employés, Tether - le leader du secteur - génère 13 milliards de bénéfices annuels. Soit le même niveau que BNP Paribas... qui emploie 190 000 salariés !
🌐 Quand les stablecoins redessinent la géopolitique
Au-delà des chiffres mirobolants, cette IPO révèle un enjeu géostratégique majeur.
Les stablecoins ne sont plus de simples outils de trading crypto - ils deviennent des moyens de paiement à part entière.
En 2024, leur volume de transactions a atteint 33 000 milliards de dollars annuels, soit près de 100 milliards par jour. C'est plus que Visa (40 milliards quotidiens) et Mastercard (25 milliards) réunis !
Cette révolution silencieuse profite directement aux États-Unis.
Chaque fois qu'un commerçant d'Istanbul accepte des USDC ou qu'un travailleur vietnamien en reçoit, ils financent indirectement la dette américaine.
Les 250 milliards de stablecoins en circulation (97% en dollars) génèrent environ 175 milliards d'investissements en titres du Trésor américain.
Une aubaine pour Washington qui voit pointer des projections de 750 à 1 500 milliards de stablecoins d'ici 2030.
🇪🇺 L'Europe à la traîne ?
Pendant que les États-Unis roulent des mécaniques avec leur "crypto-friendly policy", l'Europe peine à réagir.
La BCE continue de plancher sur son euro numérique de détail, projet qui suscite peu d'enthousiasme.
Pire, le règlement MiCA interdit aux émetteurs de stablecoins de rémunérer les détenteurs - de quoi décourager les acteurs du secteur de s'installer en Europe.
Loin de provoquer une "dédollarisation", la révolution des stablecoins pourrait au contraire renforcer la domination du billet vert.
2025, année charnière
L'IPO de Circle marque un tournant.
Après des années dans l'ombre réglementaire, les stablecoins accèdent enfin au statut d'actifs légitimes, courtisés par les institutions financières traditionnelles. PayPal, JPMorgan, Citigroup, Bank of America : tous veulent leur part du gâteau.
Cette institutionnalisation s'accompagne d'un cadre réglementaire en gestation. Le Congrès américain planche sur le projet de loi GENIUS qui pourrait consacrer définitivement les stablecoins comme piliers du système financier numérique.
En ouvrant ses portes à Circle, Wall Street valide une révolution qui dépasse largement le seul monde crypto.
