Porsche peut-elle revenir ?
Coincé entre les nouvelles taxes douanières américaines, l'effondrement de ses ventes en Chine et une crise d'identité entre marque ultra-premium et constructeur de SUV grand public, Porsche voit ses ambitions et sa rentabilité sérieusement menacées.
Le légendaire constructeur de Porsche traverse l'une des périodes les plus tumultueuses de son histoire récente.
Coincé entre les nouvelles taxes douanières américaines, l'effondrement de ses ventes en Chine et une crise d'identité entre marque ultra-premium et constructeur de SUV grand public, Porsche voit ses ambitions et sa rentabilité sérieusement menacées.
On vous explique cette débâcle, dans votre allongé du jour

🇺🇸 La double peine américaine
"Le dernier truc dont nous avions besoin maintenant, c'est un conflit commercial à part entière avec l'un de nos marchés clés", explique Barbara Resch, responsable syndicale chez IG Metall.
Avec la mise en place par Donald Trump d'une taxe de 25% sur les importations automobiles, Porsche se retrouve particulièrement vulnérable. Contrairement à BMW et Mercedes qui disposent de sites de production aux États-Unis, tous les véhicules Porsche vendus en Amérique sortent des usines allemandes.
La marque absorbe actuellement l'intégralité de cette hausse sur ses marges pour avril et mai 2025, le temps d'évaluer la situation.
Si les taxes perdurent, le constructeur devra inévitablement augmenter ses prix, avec une approche différenciée selon les modèles.
Les modèles emblématiques comme la 911 pourront probablement supporter des hausses plus importantes que les SUV Macan et Cayenne, qui représentent pourtant les deux tiers des ventes américaines et qui font face à une concurrence plus intense.
🇨🇳 Chute libre en Chine
Le marché chinois, autrefois locomotive de croissance, souffre également.
Entre 2023 et 2024, les livraisons ont chuté de 28% pour atteindre 56 887 véhicules.

Et 2025 s'annonce encore plus sombre avec des prévisions "dans les 40 000 unités", selon Jochen Breckner, directeur financier de Porsche, soit moins de la moitié des 100 000 véhicules écoulés au pic de 2022-2023.
Cet effondrement s'explique par la concurrence locale, notamment sur le segment électrique, et une "situation économique difficile" selon le constructeur.
Porsche tente d'y répondre par des éditions spéciales adaptées au marché local et prévoit de réduire son réseau de concessionnaires d'un tiers d'ici 2027, passant de 150 à 100 points de vente.
🫨 La crise d'identité
"Quand on vend des voitures haut de gamme, les entreprises ont tendance à se spécialiser soit dans les objets de collection de luxe, soit dans les SUV à grand volume. La tentative de Porsche de faire les deux est contradiction.", analyse Jon Sindreu dans le Wall Street Journal.
Le constructeur se retrouve effectivement écartelé entre deux modèles économiques.
D'un côté, sa mythique 911 s'inscrit dans une stratégie de rareté et d'exclusivité, à l'image de Ferrari, avec des modèles qui prennent de la valeur avec le temps.
De l'autre, 61% des livraisons au premier trimestre 2025 étaient des SUV, véhicules plus grand public qui exigent une production de masse pour être rentables.

📊 Résultats financiers
Les chiffres du premier trimestre 2025 témoignent de ces difficultés. Le bénéfice d'exploitation a chuté à 762 millions d'euros, avec une marge opérationnelle tombée à 8,6% - bien loin des objectifs de 15-17% affichés après l'introduction en bourse de 2022.
Le titre a perdu 21,7% depuis janvier, ramenant la valorisation du constructeur à environ 44 milliards d'euros, moins de la moitié de son pic de mai 2023.
Ces résultats intègrent déjà 200 millions d'euros de charges liées à la réorientation stratégique, notamment l'abandon du développement indépendant de batteries haute performance par sa filiale Cellforce Group, conséquence directe du ralentissement de la transition vers l'électrique.
🥊 Un virage stratégique pour survivre
Face à cette tempête, Porsche réoriente sa stratégie.
Le constructeur compte renforcer son "cœur de marque" avec de nouveaux modèles thermiques émotionnels et une personnalisation plus poussée, tout en adaptant son offre électrique au ralentissement du marché. Un programme de réduction des coûts prévoit la suppression de 1 900 emplois.
Le groupe organisera un "Capital Markets Day" le 17 septembre pour détailler son plan de redressement, alors que les analystes s'interrogent sur la viabilité du double positionnement.
Avec un multiple de valorisation de 18 fois les bénéfices attendus - entre Ferrari (47) et Mercedes (en dessous de 10) - les marchés semblent encore indécis sur l'avenir du constructeur.
Pour l'instant, Porsche maintient qu'un retour à une marge opérationnelle de 15-17% reste possible à moyen terme, mais uniquement "dans un environnement géopolitique plus favorable".
